Le tonic est-il dangereux pour la santé ?
Bonne question ! Certaines personnes affirment que oui. Ont-elles raison ou tort ?
Photo Emmanuelle Ricard / Madame Gin |
Je dirais qu’elles ont tort, mais…
Il existe beaucoup de confusion autour du tonic. C’est très compréhensible, les informations disponibles sont souvent incomplètes, complexes et confuses. Essayons de démêler tout ça.
C’est de la faute à la quinine !
Mais, qu’est-ce que la quinine ?
La quinine est une substance présente dans le quinquina. Le quinquina est une plante aromatique utilisée dans la préparation du tonic.
Les plantes aromatiques, qui servent à ajouter des saveurs riches à nos aliments, font partie de nos vies et nous avons appris à les connaître et à les utiliser de façon sécuritaire et adéquate. Il en va de même pour le quinquina.
D’où provient toute cette confusion ?
La réponse est historique ! Avez-vous observé que plusieurs liquides faisant partie de notre bar sont initialement des médicaments? Le gin, par exemple, jadis soignait l'arthrite, la goutte et toutes les maladies rhumatismales. Les bitters, eux, mettaient en appétit les gens malades ou stressés. Le tonic était aussi un médicament qui a eu sa petite histoire…
C’est à la moitié du 18e siècle que le tonic médicamenteux est devenu très populaire. Dès qu’un navire britannique prenait le large pour une longue traversée en direction de pays chauds et exotiques, on servait à l’équipage une infusion d’écorce de quinquina dont la substance médicamenteuse qu’elle contenait, la quinine, protégeait les officiers et les matelots contre la malaria. La potion médicamenteuse obtenue par cette infusion était affreusement amère.
Donc, pour motiver les membres de l’équipage à boire leur ration quotidienne, l’infusion de quinquina était mélangée avec du rhum pour les matelots et avec du Dry gin pour les officiers. Le mélange leur était présenté comme un élixir tonifiant et fortifiant. Maintenant, vous connaissez les origines du gin tonic et du rhum tonic. Le duo rhum tonic est méconnu, mais tout aussi excellent que le gin tonic.
Toute la vérité, rien que la vérité
Pour tout vous dire, ce qui fait peur aux gens, c’est qu’ils croient que le quinquina utilisé dans nos tonics d’aujourd’hui est le même que celui utilisé jadis dans les tonics de la marine anglaise. Et bien non !
Précisons un peu les choses. Le mot quinquina désigne l’espèce de la plante. Il existe énormément de variétés de quinquina. Plusieurs variétés poussent à l’état sauvage. L’homme a réussi à en cultiver trois variétés, je vous les présente: le quinquina jaune, le quinquina rouge et le quinquina gris.
✪ Le quinquina jaune - le grand médicament
Le quinquina jaune, Cinchola calisaya, est la variété de quinquina qui possède la plus grande concentration de quinine. Le premier pays à avoir cultivé ce quinquina pour ses vertus médicinales est les Pays-Bas. Ils le cultivaient au Sri Lanka (Ceylan), un pays situé au sud de l’Inde. C’est d’ailleurs en raison de son lieu de culture que nous nommons les tonics classiques le Indian Tonic.
Aussi, avez-vous remarqué que les bouteilles et canettes de tonics classiques ont des étiquettes jaunes ? C’est un attribut visuel lié à la quinine jaune, une tradition établie depuis longtemps par les plus anciens fabricants de tonic, dont Schweppes, créé en 1783.
C’est ironique, car ces marques ne contiennent plus de quinquina jaune.
Heille ! On peut bien être mêlé !
✪ Le quinquina rouge - un peu plus léger en quinine
Le quinquina rouge, Cinchola pubescens, est une variété qui contient un peu moins de quinquina que la variété jaune. Le quinquina rouge était cultivé aussi pour ses vertus médicamenteuses contre la malaria, par les Anglais, en Afrique, au 18e siècle.
✪ Le quinquina gris - le quinquina des gourmands !
Le quinquina gris, Cinchona officinalis, est une variété qui contient très peu de quinine comparée aux variétés de quinquina jaune et rouge. Le quinquina gris est cultivé dans plusieurs pays du monde pour ses propriétés aromatiques savoureuses. Quelles sont-elles ? Une amertume douce, complexe et surtout, le quinquina gris contient de belles saveurs boisées-exotiques.
Vas-y, tu peux en boire !
J’ai lu un peu partout lors de mes recherches pour écrire ce billet, que pour commencer à ressentir l’effet thérapeutique des tonics d’aujourd’hui, il faudrait boire environ 10 gin tonics par jour, pendant dix jours. À mon avis, vous allez avoir des problèmes avec l’alcool et le sucre bien avant d’en avoir avec le quinquina gris !
Ouin, mais moi le tonic ça me donne mal à la tête
Il est vrai que certaines personnes sont plus sensibles à la quinine. Un peu comme le gingembre procure des maux de ventre, des nausées et des vomissements à certains individus.
Si vous soupçonnez être une de ces personnes sensibles à la quinine, il serait peut-être judicieux d’en toucher un mot à votre médecin.
Photo Emmanuelle Ricard /Madame-Gin |
Existe-t-il une alternative pour les gens sensibles à la quinine ?
Le savoureux tonic québécois 1642 ne contient pas de quinquina, donc pas de quinine. Il est préparé avec du quassia amer. Donc allez-y, profitez !
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Petite mise en garde pour toi qui a une sensibilité à la quinine
Une exception confirme la règle ! J’ai vu sur le site internet de Fever-Tree que leurs tonics sont élaborés avec de la quinine jaune. Quoi ? Bien oui ! Il semblerait que les propriétaires aient déniché la dernière plantation de quinquina jaune en Afrique. Alors, si vous avez des sensibilités, peut-être devriez-vous faire des tests à petite dose avant de vous faire un grand gin tonic avec celui-ci.
Toi Madame Gin, quel quinquina utilises-tu pour tes recettes de sirop tonic?
Dans toutes mes recettes de sirop tonic, j’utilise le quinquina gris.
Toujours dosé selon les quantités recommandées.
De toute manière, dites-vous que les quinquina rouge et quinquina jaune sont plus que difficiles à trouver. Parlez-en à Charles et Tim de Fever-Tree !
Il ne resterait que de très rares cultures de quinquina jaune et rouge en Inde et en Afrique. Le quinquina jaune et gris récolté dans ces plantations sert toujours à la fabrication de médicament contre la malaria pour ces deux pays.
En Occident, nous n'utilisons plus le quinquina naturel pour la fabrication de nos médicaments contre la malaria, nous utilisons des molécules de synthèse.
Pour conclure
Beaucoup de nos épices et aliments du quotidien peuvent être toxiques s'ils ne sont pas préparés avec quelques précautions. On peut penser à la rhubarbe dont les feuilles sont très toxiques ou encore le romarin qui peut être abortif s’il est pris en grande quantité durant la grossesse.Nous empêchons-nous de les cuisiner et de les consommer ?
Le quinquina gris est une savoureuse plante aromatique, si vous la cuisinez vous-même, assurez-vous d’utiliser le bon quinquina, la variété grise, et de respecter les dosages indiqués. Régalez-vous !
Références et bonnes adresses
Révision: Jacinthe Lachance, merci ma belle amie.
Photos et textes: Emmanuelle Ricard / Madame Gin